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« Vous êtes le bienvenu en Europe »
Jacqueline Dhéret
Ce jeune homme, aujourd’hui âgé de vingt ans, décrit un moment de stupeur absolue lorsque le Zodiac qui l’avait porté avec d’autres réfugiés s’était échoué sur les côtes espagnoles. Il avait alors quinze ans. Ce n’est pas le soulagement qui avait prévalu mais l’insensé d’une petite phrase : « Vous êtes le bienvenu en Europe ». Le choc s’était déporté sur les mots, la clé de l’armoire qu’on lui avait donnée alors qu’il n’avait rien à y mettre, la chambre qu’on lui désignait comme sienne. À cet instant seulement, lui qui avait fui son pays, s’était senti être de nulle part. Son point d’appui, les jours suivants, avait été la voix douce de la « Dame de Grenade » qui avait su se taire et faire revivre, doucement, les mots.
Kouamé ne pouvait pas parler de ce qu’il lui était arrivé dans son pays, il ne pouvait pas raconter : « Si je repense aux hommes cagoulés, j’ai l’impression que plus rien ne tient dans ma tête, comme si le souvenir de cette journée cherchait à me rattraper pour me tuer. Au fond de moi, je pense que si je la racontais, [cette journée], à l’instant même où je la raconterais, je mourrais ».
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